Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 5 décembre 2011
Discours de Toulon II : la France qui a peur, l'homme providentiel - 1er décembre 2011 (à 5 mois du premier tour)
Trois ans après le premier discours de Toulon, en pleine crise financière, Nicolas Sarkozy réitère l'exercice pour s'adresser aux Français, ou plus justement à ses électeurs.
> La mise en scène du courage politique : Je n'ai pas écouté ceux qui me conseillaient de ne rien dire de peur qu'en disant la vérité, on créât la panique. J'avais la conviction que pour sauver la confiance, pour éviter la peur, il fallait au contraire dire la vérité aux Français.
> La mise en scène de la peur, ou comment alimenter et surfer l'angoisse de l'électorat en agitant le chiffon rouge des lendemains incertains :
Mais aujourd'hui, la peur est revenue.
Cette peur qui détruit la confiance.
Cette peur qui paralyse les consommateurs, qui empêche l'investisseur d'investir, l'entrepreneur d'entreprendre, le patron d'embaucher, le banquier de prêter.
Cette peur porte un nom : c'est la peur pour la France de perdre la maîtrise de son destin.
La seule façon de conjurer cette peur, c'est de dire la vérité.
> Les promesses électorales (l'aplomb de promesses non tenues... du fait du cycle économique) : Travailler plus et mieux, se former plus et mieux, investir massivement et mieux, ce sont les principaux leviers par lesquels la France se mettra en phase avec le nouveau cycle économique.
Le nucléaire, un axe de campagne - 25 novembre 2011 (à 5 mois du premier tour)
Cela ne fait plus aucun doute : Nicolas Sarkozy a fait de la défense du nucléaire un de ses thèmes de campagne. Le vendredi 25 novembre, pour la 3eme fois en 8 jours, le Président-(presque)candidat s'est exprimé sur ce thème lors d'un déplacement dans le Vaucluse et dans la Drôme consacré à la politique énergétique de la France. Au centre nucléaire de production d'électricité de Tricastin, où il a rencontré les représentants locaux du personnel d'EDF et d'AREVA, Nicolas Sarkozy s'est transformé en meilleur lobbyiste de la filière :
"Sortir du nucléaire, c'est remettre en cause notre industrie, mettre un coup à l'activité et à l'emploi, ainsi qu'au pouvoir d'achat des Français"
"Notre parc nucléaire constitue une force, une
force économique, une force stratégique considérable pour la France. Le
détruire aurait des conséquences -- j'ose le mot -
dramatiques.
Mettre un coup d'arrêt au développement et à la modernisation de notre filière nucléaire serait d'abord porter un coup très dur à l'activité et à l'emploi dans notre pays"
"Notre parc de centrales nucléaires fait vivre une filière industrielle qui représente, pour ses acteurs comme pour ses sous-traitants, 240 000 emplois. Avons-nous les moyens de détruire des milliers d'emplois en pleine crise ? Poser la question, c'est y répondre. A quoi il convient évidemment d'ajouter les retombées considérables dans tous les bassins d'emplois concernés"
"Imaginez ce que représenterait ici l'arrêt des quatre réacteurs du Tricastin et de l'ensemble des installations du cycle, pour les 7 000 personnes qui travaillent sur ce site, pour l'ensemble de leurs fournisseurs, pour tout un bassin d'emploi. Mesdames et Messieurs les élus, que vous soyez de gauche, de droite ou du centre, ce serait un cataclysme ! Imaginez ce que représenterait l'arrêt de la filière nucléaire pour la Région Rhône-Alpes, où elle emploie 25 000 personnes. Ce serait une catastrophe"
"Plus grave encore, arrêter le développement et la modernisation de notre filière nucléaire serait porter un coup absolument fatal à la compétitivité de notre économie"
Mettre un coup d'arrêt au développement et à la modernisation de notre filière nucléaire serait d'abord porter un coup très dur à l'activité et à l'emploi dans notre pays"
"Notre parc de centrales nucléaires fait vivre une filière industrielle qui représente, pour ses acteurs comme pour ses sous-traitants, 240 000 emplois. Avons-nous les moyens de détruire des milliers d'emplois en pleine crise ? Poser la question, c'est y répondre. A quoi il convient évidemment d'ajouter les retombées considérables dans tous les bassins d'emplois concernés"
"Imaginez ce que représenterait ici l'arrêt des quatre réacteurs du Tricastin et de l'ensemble des installations du cycle, pour les 7 000 personnes qui travaillent sur ce site, pour l'ensemble de leurs fournisseurs, pour tout un bassin d'emploi. Mesdames et Messieurs les élus, que vous soyez de gauche, de droite ou du centre, ce serait un cataclysme ! Imaginez ce que représenterait l'arrêt de la filière nucléaire pour la Région Rhône-Alpes, où elle emploie 25 000 personnes. Ce serait une catastrophe"
"Plus grave encore, arrêter le développement et la modernisation de notre filière nucléaire serait porter un coup absolument fatal à la compétitivité de notre économie"
Le président de la République a déjà évoqué le nucléaire, le jeudi 17 novembre, à l'occasion des trois ans du Fonds stratégique d'investissement, puis, le mardi 22 novembre à Toulouse, où il venait célébrer les 50 ans du Centre national d'études spatiales.
En s'emparant aussi fermement du sujet du nucléaire français, le sortant de la polémique environnementale pour transformer la sortie du nucléaire en drame industriel et économique, Nicolas Sarkozy tente un double coup politique :
> Récupérer en vol son électorat 2007 séduit par les promesses d'emplois
> Stigmatiser l'accord entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts, qui prévoit notamment la fermeture de 24 réacteurs nucléaires sur 58 en cas de victoire de la gauche en 2012.
Discours sur la fraude sociale - Bordeaux, 15 novembre 2011 (à 5 mois du premier tour)
Stratégie : occuper le terrain, diffuser en force les idées de la droite, poursuivre vigoureusement sa campagne sans être officiellement Président-candidat.
Tactique : discours clivant à double niveau
> renvoyer dos-à-dos la France honnête face à la France tricheuse
> opposer la droite responsable, courageuse, qui agit, à une gauche conservatrice, immobile.
Baptisé "Préservation de notre modèle social et lutte contre les fraudes à la Sécurité sociale", le discours de Nicolas Sarkozy prononcé à Bordeaux, le mardi 15 novembre, est celui d'un Président pas encore officiellement candidat, mais vigoureusement en campagne. L'objectif est cette fois-ci clairement annoncé : consolider, capter, préserver l'aile droite de son électorat, et barrer la route à la poussée du FN dans ses rangs.
Par un discours clivant, dont le Président-candidat a déjà fait une démonstration récurrente dans sa course à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a opposé cette fois-ci la France honnête à la France fraudeuse. En allant plus loin dans son clivage désormais traditionnel (celui qui oppose la France qui travaille à la France assistée), il a renvoyé dos-à-dos ces deux France, s'épargnant les détails et les nuances pour virer dans une stigmatisation brossée à gros traits.
Dans son discours qui s'adressait autant à son électorat hostile au modèle social français qu'aux Français qui ont le sentiment qu'il existe une petite fraude, il a stigmatisé les chômeurs en population paresseuse et coûteuse, et les allocataires en fradeurs-tricheurs.
L'articulation de son discours lui a permis, sans recourir à des accusations explicites, de rendre ces Français responsables de détruire le modèle social français établi à la sortie de la Seconde guerre mondiale.
"Conçu par la résistance, né avec la Libération, notre modèle social fait aujourd'hui partie de l'identité de notre Nation. Les Français y sont attachés, viscéralement attachés, car il est le fruit de notre histoire et de nos valeurs et dans le contexte de crise économique et financière qui est le nôtre aujourd'hui, en tant que chef de l'Etat, je suis le garant et mon devoir est d'être le protecteur de notre modèle social"
Il entend se positionner en leader aussi protecteur que moralisateur, en justicier social. Il surfe sur le sentiment diffus, mais réel de la petite "triche", donc d'inégalités. Une réalité relayée et augmentée par les médias offline et online. Des pratiques intolérables, dont le montant total réel est faible, mais qui demandent des politiques fortes.
"C'est le cœur de mon engagement politique. Ceci posé, pouvons-nous, mes chers compatriotes, regarder notre système de protection sociale, notre système de solidarité, comme si rien ne s'était passé entre 1945 et 2011 ?"
"Je suis, plus que tout autre, attaché à l'idéal fixé par le général de GAULLE et par le Conseil National de la Résistance. Mais le meilleur moyen de préserver cet acquis, c'est de le réformer en permanence pour l'adapter aux réalités de notre monde.
Dans ce domaine, comme dans tous les autres, j'aimerais tant vous convaincre, mes chers compatriotes, que ce n'est pas la réforme qui est un danger, c'est l'immobilisme qui est un danger, c'est le conservatisme qui est un danger, c'est le refus d'assumer des responsabilités, et c'est le refus de voir que le monde change et qu'il ne nous attendra pas.
Grâce aux progrès de la médecine et à notre système de santé, notre société connaît aujourd'hui une formidable révolution, celle de l'augmentation de l'espérance de vie, et par conséquent un défi colossal, celui de l'augmentation de la population la plus âgée.
Au moment de la Libération, je vous donne ces chiffres pour vous convaincre que ce n'est pas une affaire d'idéologie, de gauche, de droite d'opposition, de majorité, c'est une affaire de bon sens, de courage, de devoir, de prise de responsabilité. Au moment de la Libération, l'espérance de vie d'un Français était de 62 ans. Aujourd'hui, elle est de 78 ans pour un homme et 85 ans pour une femme. Qui peut dire, qui peut oser dire que notre réforme du système de retraite n'était pas nécessaire alors que de 45 à aujourd'hui, nous sommes passés d'une espérance de vie de 62 ans à 78 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Qui osera le dire aux Français ? Sans mentir, sans avoir le rouge qui monte à la figure ? Il serait choquant, et pourquoi ne pas le dire, scandaleux, de ne pas à ce point vouloir assumer la responsabilité qui est celle des femmes et des hommes d'État. En 1960, dans notre pays, il existait 4 cotisants pour un retraité. Aujourd'hui, 1,8 cotisant pour un retraité et à l'horizon 2050, 1 cotisant pour 1 retraité. Qui osera dire aux Français : « retraités, dormez tranquilles. Malgré ces chiffres, il n'y a rien à changer, il n'y a rien à revoir, il n'y a rien à dire » ?"
"Notre modèle social n'est pas intangible. Notre modèle social doit rester vivant. Le réformer, l'adapter, c'est le sauver et le pérenniser !"
En défendant sa réforme du modèle social français pour barrer la route aux fraudeurs, Nicolas Sarkozy espère aussi renvoyer la gauche et son candidat François Hollande dans l'immobilisme et le conservatisme : une droite réformatrice, courageuse, responsable, sociale, (presque) progressiste face à une gauche conservatrice, irresponsable, qui a peur du changement.
"Vous le voyez bien, c'est en adaptant notre système de protection sociale que nous garantirons sa pérennité. Et c'est dans le même esprit que nous avons décidé d'engager une action résolue contre les fraudes sociales.
La fraude : c'est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l'esprit de 1945. C'est la fraude qui mine les fondements mêmes de cette République Sociale que les frères d'armes de la Résistance ont voulu bâtir pour la France et qu'ils nous ont léguée.
Frauder, que dis-je, voler la Sécurité sociale, c'est trahir la confiance de tous les Français et c'est porter un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale.
Frauder la Sécurité sociale, c'est voler. Ce n'est pas simplement « abuser du système », ce n'est pas simplement profiter de ses largesses. C'est voler chacun et chacune d'entre nous.
Celui qui bénéficie d'un arrêt de travail frauduleux comme celui qui le prescrit, je le dis simplement, vole les Français, tous les Français.
Celui qui minore ses ressources pour obtenir une prestation vole les Français.
Celui qui perçoit des allocations familiales alors qu'il ne réside pas sur le territoire national, comme celui qui invente un logement fictif ou loue un logement insalubre pour détourner des prestations vole les Français.
Celui qui emploie un salarié sans le déclarer à la Sécurité Sociale triche au détriment de la collectivité.
Je vous le dis, nous devons être sans indulgence contre les fraudeurs et contre les tricheurs. Il ne s'agit pas dans mon esprit de désigner des boucs émissaires, de monter les uns contre les autres, cela n'aurait aucun sens. Il s'agit de préserver un acquis social. Si la fraude prospère, nous ne pourrons pas garder notre modèle social. Ceux qui refusent de lutter contre la fraude sont ceux qui préparent la désagrégation de notre modèle social.
Trop longtemps, mes chers compatriotes, il fut de bon ton, dans certains milieux, de nier la fraude. Dénoncer la fraude était même déplacé, ceux qui dénonçaient la fraude étaient même condamnés par ces beaux esprits qui voyaient là une sorte de redistribution militante.
Cette période-là, elle est définitivement dernière nous"
"La crise est loin d'être finie. Elle crée beaucoup de souffrance dans notre pays. Et elle impose que chacun soit à la hauteur de cette crise en assumant ses responsabilités, quels que soient les risques que les responsables encourent. Assumer ses responsabilités et faire son devoir.
Mais cette crise qui oblige à repenser nos idées, à réfléchir sur ce que nous sommes et vers où nous voulons aller est aussi une opportunité pour la France de réagir, de préparer son avenir et de rester dans le peloton de tête des nations qui comptent dans le monde d'aujourd'hui.
Refuser le 21e siècle n'a aucun sens, refuser la mondialisation n'a aucun sens. Peser sur la mondialisation, réformer le modèle français et compter pour la France afin que vos enfants puissent vivre dans un pays dans lequel ils auront confiance et dont ils seront fiers, comme nous l'avons tous été de ces manifestations du 11 novembre. Faire rimer patriotisme vers l'avenir et pas simplement vers le passé, aimer la France, être fier de la France, redresser la France, construire la France, voilà ce que je souhaite dans cette ville de Bordeaux qui m'a reçu aujourd'hui avec tant de chaleur et tant d'amitié"
Par ce discours, le Président-candidat a fait de la fraude l'apanage des assistés, donc des plus faibles. En stigmatisant l'allocataire et la fraude sociale, il a surtout fait l'impasse sur la fraude fiscale, celle des tout-puissants (patrons, grandes richesses), et jeté un écran de fumée sur une réalité financièrement plus lourde et politiquement plus complexe à traiter. Le courage, l'apanage de la droite...?