lundi 5 décembre 2011

Suivre la campagne de Nicolas Sarkozy : les temps forts

Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 5 décembre 2011 


Discours de Toulon II : la France qui a peur, l'homme providentiel  - 1er décembre 2011 (à 5 mois du premier tour)


Trois ans après le premier discours de Toulon, en pleine crise financière, Nicolas Sarkozy réitère l'exercice pour s'adresser aux Français, ou plus justement à ses électeurs.

> La mise en scène du courage politique : Je n'ai pas écouté ceux qui me conseillaient de ne rien dire de peur qu'en disant la vérité, on créât la panique. J'avais la conviction que pour sauver la confiance, pour éviter la peur, il fallait au contraire dire la vérité aux Français. 

> La mise en scène de la peur, ou comment alimenter et surfer l'angoisse de l'électorat en agitant le chiffon rouge des lendemains incertains :
Mais aujourd'hui, la peur est revenue.
Cette peur qui détruit la confiance.
Cette peur qui paralyse les consommateurs, qui empêche l'investisseur d'investir, l'entrepreneur d'entreprendre, le patron d'embaucher, le banquier de prêter.

Cette peur porte un nom : c'est la peur pour la France de perdre la maîtrise de son destin.
La seule façon de conjurer cette peur, c'est de dire la vérité.

> Les promesses électorales (l'aplomb de promesses non tenues... du fait du cycle économique) : Travailler plus et mieux, se former plus et mieux, investir massivement et mieux, ce sont les principaux leviers par lesquels la France se mettra en phase avec le nouveau cycle économique.

Le nucléaire, un axe de campagne  - 25 novembre 2011 (à 5 mois du premier tour)

Cela ne fait plus aucun doute : Nicolas Sarkozy a fait de la défense du nucléaire un de ses thèmes de campagne. Le vendredi 25 novembre, pour la 3eme fois en 8 jours, le Président-(presque)candidat s'est exprimé sur ce thème lors d'un déplacement dans le Vaucluse et dans la Drôme consacré à la politique énergétique de la France. Au centre nucléaire de production d'électricité de Tricastin, où il a rencontré les représentants locaux du personnel d'EDF et d'AREVA, Nicolas Sarkozy s'est transformé en meilleur lobbyiste de la filière :

"Sortir du nucléaire, c'est remettre en cause notre industrie, mettre un coup à l'activité et à l'emploi, ainsi qu'au pouvoir d'achat des Français" 

"Notre parc nucléaire constitue une force, une force économique, une force stratégique considérable pour la France. Le détruire aurait des conséquences -- j'ose le mot - dramatiques.
Mettre un coup d'arrêt au développement et à la modernisation de notre filière nucléaire serait d'abord porter un coup très dur à l'activité et à l'emploi dans notre pays"


"Notre parc de centrales nucléaires fait vivre une filière industrielle qui représente, pour ses acteurs comme pour ses sous-traitants, 240 000 emplois. Avons-nous les moyens de détruire des milliers d'emplois en pleine crise ? Poser la question, c'est y répondre. A quoi il convient évidemment d'ajouter les retombées considérables dans tous les bassins d'emplois concernés"


"Imaginez ce que représenterait ici l'arrêt des quatre réacteurs du Tricastin et de l'ensemble des installations du cycle, pour les 7 000 personnes qui travaillent sur ce site, pour l'ensemble de leurs fournisseurs, pour tout un bassin d'emploi. Mesdames et Messieurs les élus, que vous soyez de gauche, de droite ou du centre, ce serait un cataclysme ! Imaginez ce que représenterait l'arrêt de la filière nucléaire pour la Région Rhône-Alpes, où elle emploie 25 000 personnes. Ce serait une catastrophe"

"Plus grave encore, arrêter le développement et la modernisation de notre filière nucléaire serait porter un coup absolument fatal à la compétitivité de notre économie"



Le président de la République a déjà évoqué le nucléaire, le jeudi 17 novembre, à l'occasion des trois ans du Fonds stratégique d'investissement, puis, le mardi 22 novembre à Toulouse, où il venait célébrer les 50 ans du Centre national d'études spatiales.

En s'emparant aussi fermement du sujet du nucléaire français, le sortant de la polémique environnementale pour transformer la sortie du nucléaire en drame industriel et économique, Nicolas Sarkozy tente un double coup politique :

> Récupérer en vol son électorat 2007 séduit par les promesses d'emplois
> Stigmatiser l'accord entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts, qui prévoit notamment la fermeture de 24 réacteurs nucléaires sur 58 en cas de victoire de la gauche en 2012.




Discours sur la fraude sociale - Bordeaux, 15 novembre 2011 (à 5 mois du premier tour)

Stratégie : occuper le terrain, diffuser en force les idées de la droite, poursuivre vigoureusement sa campagne sans être officiellement Président-candidat.

Tactique : discours clivant à double niveau
> renvoyer dos-à-dos la France honnête face à la France tricheuse
> opposer la droite responsable, courageuse, qui agit, à une gauche conservatrice, immobile.



Baptisé "Préservation de notre modèle social et lutte contre les fraudes à la Sécurité sociale", le discours de Nicolas Sarkozy prononcé à Bordeaux, le mardi 15 novembre, est celui d'un Président pas encore officiellement candidat, mais vigoureusement en campagne. L'objectif est cette fois-ci clairement annoncé : consolider, capter, préserver l'aile droite de son électorat, et barrer la route à la poussée du FN dans ses rangs.

Par un discours clivant, dont le Président-candidat a déjà fait une démonstration récurrente dans sa course à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a opposé cette fois-ci la France honnête à la France fraudeuse. En allant plus loin dans son clivage désormais traditionnel (celui qui oppose la France qui travaille à la France assistée), il a renvoyé dos-à-dos ces deux France, s'épargnant les détails et les nuances pour virer dans une stigmatisation brossée à gros traits.

Dans son discours qui s'adressait autant à son électorat hostile au modèle social français qu'aux Français qui ont le sentiment qu'il existe une petite fraude, il a stigmatisé les chômeurs en population paresseuse et coûteuse, et les allocataires en fradeurs-tricheurs.

L'articulation de son discours lui a permis, sans recourir à des accusations explicites, de rendre ces Français responsables de détruire le modèle social français établi à la sortie de la Seconde guerre mondiale.

"Conçu par la résistance, né avec la Libération, notre modèle social fait aujourd'hui partie de l'identité de notre Nation. Les Français y sont attachés, viscéralement attachés, car il est le fruit de notre histoire et de nos valeurs et dans le contexte de crise économique et financière qui est le nôtre aujourd'hui, en tant que chef de l'Etat, je suis le garant et mon devoir est d'être le protecteur de notre modèle social"

Il entend se positionner en leader aussi protecteur que moralisateur, en justicier social. Il surfe sur le sentiment diffus, mais réel de la petite "triche", donc d'inégalités. Une réalité relayée et augmentée par les médias offline et online. Des pratiques intolérables, dont le montant total réel est faible, mais qui demandent des politiques fortes.

"C'est le cœur de mon engagement politique. Ceci posé, pouvons-nous, mes chers compatriotes, regarder notre système de protection sociale, notre système de solidarité, comme si rien ne s'était passé entre 1945 et 2011 ?"
"Je suis, plus que tout autre, attaché à l'idéal fixé par le général de GAULLE et par le Conseil National de la Résistance. Mais le meilleur moyen de préserver cet acquis, c'est de le réformer en permanence pour l'adapter aux réalités de notre monde.
Dans ce domaine, comme dans tous les autres, j'aimerais tant vous convaincre, mes chers compatriotes, que ce n'est pas la réforme qui est un danger, c'est l'immobilisme qui est un danger, c'est le conservatisme qui est un danger, c'est le refus d'assumer des responsabilités, et c'est le refus de voir que le monde change et qu'il ne nous attendra pas.
Grâce aux progrès de la médecine et à notre système de santé, notre société connaît aujourd'hui une formidable révolution, celle de l'augmentation de l'espérance de vie, et par conséquent un défi colossal, celui de l'augmentation de la population la plus âgée.
Au moment de la Libération, je vous donne ces chiffres pour vous convaincre que ce n'est pas une affaire d'idéologie, de gauche, de droite d'opposition, de majorité, c'est une affaire de bon sens, de courage, de devoir, de prise de responsabilité. Au moment de la Libération, l'espérance de vie d'un Français était de 62 ans. Aujourd'hui, elle est de 78 ans pour un homme et 85 ans pour une femme. Qui peut dire, qui peut oser dire que notre réforme du système de retraite n'était pas nécessaire alors que de 45 à aujourd'hui, nous sommes passés d'une espérance de vie de 62 ans à 78 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Qui osera le dire aux Français ? Sans mentir, sans avoir le rouge qui monte à la figure ? Il serait choquant, et pourquoi ne pas le dire, scandaleux, de ne pas à ce point vouloir assumer la responsabilité qui est celle des femmes et des hommes d'État. En 1960, dans notre pays, il existait 4 cotisants pour un retraité. Aujourd'hui, 1,8 cotisant pour un retraité et à l'horizon 2050, 1 cotisant pour 1 retraité. Qui osera dire aux Français : « retraités, dormez tranquilles. Malgré ces chiffres, il n'y a rien à changer, il n'y a rien à revoir, il n'y a rien à dire » ?"

"Notre modèle social n'est pas intangible. Notre modèle social doit rester vivant. Le réformer, l'adapter, c'est le sauver et le pérenniser !"


En défendant sa réforme du modèle social français pour barrer la route aux fraudeurs, Nicolas Sarkozy espère aussi renvoyer la gauche et son candidat François Hollande dans l'immobilisme et le conservatisme : une droite réformatrice, courageuse, responsable, sociale, (presque) progressiste face à une gauche conservatrice, irresponsable, qui a peur du changement.

"Vous le voyez bien, c'est en adaptant notre système de protection sociale que nous garantirons sa pérennité. Et c'est dans le même esprit que nous avons décidé d'engager une action résolue contre les fraudes sociales.
La fraude : c'est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l'esprit de 1945. C'est la fraude qui mine les fondements mêmes de cette République Sociale que les frères d'armes de la Résistance ont voulu bâtir pour la France et qu'ils nous ont léguée.
Frauder, que dis-je, voler la Sécurité sociale, c'est trahir la confiance de tous les Français et c'est porter un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale.
Frauder la Sécurité sociale, c'est voler. Ce n'est pas simplement « abuser du système », ce n'est pas simplement profiter de ses largesses. C'est voler chacun et chacune d'entre nous.
Celui qui bénéficie d'un arrêt de travail frauduleux comme celui qui le prescrit, je le dis simplement, vole les Français, tous les Français.
Celui qui minore ses ressources pour obtenir une prestation vole les Français.
Celui qui perçoit des allocations familiales alors qu'il ne réside pas sur le territoire national, comme celui qui invente un logement fictif ou loue un logement insalubre pour détourner des prestations vole les Français.
Celui qui emploie un salarié sans le déclarer à la Sécurité Sociale triche au détriment de la collectivité.

Je vous le dis, nous devons être sans indulgence contre les fraudeurs et contre les tricheurs. Il ne s'agit pas dans mon esprit de désigner des boucs émissaires, de monter les uns contre les autres, cela n'aurait aucun sens. Il s'agit de préserver un acquis social. Si la fraude prospère, nous ne pourrons pas garder notre modèle social. Ceux qui refusent de lutter contre la fraude sont ceux qui préparent la désagrégation de notre modèle social.
Trop longtemps, mes chers compatriotes, il fut de bon ton, dans certains milieux, de nier la fraude. Dénoncer la fraude était même déplacé, ceux qui dénonçaient la fraude étaient même condamnés par ces beaux esprits qui voyaient là une sorte de redistribution militante.
Cette période-là, elle est définitivement dernière nous"

"La crise est loin d'être finie. Elle crée beaucoup de souffrance dans notre pays. Et elle impose que chacun soit à la hauteur de cette crise en assumant ses responsabilités, quels que soient les risques que les responsables encourent. Assumer ses responsabilités et faire son devoir.
Mais cette crise qui oblige à repenser nos idées, à réfléchir sur ce que nous sommes et vers où nous voulons aller est aussi une opportunité pour la France de réagir, de préparer son avenir et de rester dans le peloton de tête des nations qui comptent dans le monde d'aujourd'hui.
Refuser le 21e siècle n'a aucun sens, refuser la mondialisation n'a aucun sens. Peser sur la mondialisation, réformer le modèle français et compter pour la France afin que vos enfants puissent vivre dans un pays dans lequel ils auront confiance et dont ils seront fiers, comme nous l'avons tous été de ces manifestations du 11 novembre. Faire rimer patriotisme vers l'avenir et pas simplement vers le passé, aimer la France, être fier de la France, redresser la France, construire la France, voilà ce que je souhaite dans cette ville de Bordeaux qui m'a reçu aujourd'hui avec tant de chaleur et tant d'amitié"


Par ce discours, le Président-candidat a fait de la fraude l'apanage des assistés, donc des plus faibles. En stigmatisant l'allocataire et la fraude sociale, il a surtout fait l'impasse sur la fraude fiscale, celle des tout-puissants (patrons, grandes richesses), et jeté un écran de fumée sur une réalité financièrement plus lourde et politiquement plus complexe à traiter. Le courage, l'apanage de la droite...?


dimanche 23 octobre 2011

L'art délicat d'annoncer sa candidature à une élection présidentielle


Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 23 octobre 2011


Enjeu : un exercice de fond et de forme
("La forme c'est le fond"- V. Hugo)
  • Un acte symbolique
    • Déclaration d'engagement du candidat envers son peuple, il marque l'entrée officielle en campagne du candidat-président qui dévoile ses motivations et trace les grandes lignes de son projet, de sa vision
    • Même si la candidature est une évidence pour tout le monde, elle doit être un temps fort de la campagne et de la course pour la présidentielle
    • Un moment fondateur qui donne le ton de la campagne
  • Au-delà de la déclaration formelle : 
    • Réussi, cet acte (re)devient une formalité, une étape franchie et validée qui conforte le candidat (et son parti) dans sa dynamique, son style, son projet. 
    • A l'inverse, s'il est raté, il devient en soi un fait annonciateur d'une éventuelle défaite à venir.
Stratégie
  • Messages : au-delà de la simple déclaration de candidature, marquer l'engagement pour la victoire par les motivations et sa vision pour le pays
  • 1001 manières de se déclarer (forme, support) : à l'oral ou par écrit, dans le cadre d'un meeting, par une lettre, par fax, par voie de presse, sur les réseaux sociaux, par email, sous forme de boutade...
  • Le moment : quand se déclarer? Deux mois avant le scrutin? Trois ans, cinq mois avant? Le calendrier est déterminé par la propre feuille de route de campagne du candidat (contraint ou non au devoir de réserve), et aux cartes déjà dévoilées des autres favoris en lice (dans son propre camp et adverse) pour prendre de vitesse ou attendre mais toujours s'imposer
  • Le séquençage :
    • Avant : précédé de ralliements, d'un appel du parti, de pré-déclarations (selon que le candidat exerce une fonction de chef d'Etat ou de gouvernement, ou toute autre fonction impliquant un droit de réserve)...
    • Après : une séquence finement orchestrée pour installer le candidat-président en futur-président


Cas 1 : l'acte de candidature de François Hollande et de Martine Aubry pour 2012 (le terroir, valeur sûre)

  • Martine Aubry (28 juin 2011)
    • Enjeu : gommer le handicap d'apparaître comme la candidate de "substitution"
    • Manière : 
      • Elle se prononce d'abord depuis son fief lillois  avant d'intervenir sur le plateau du JT de 20h de France2
      • A Lille, une mise en scène sobre : seule devant un fond bleu, avec les drapeaux français et européen, pas de ténor socialiste à ses côtés
    • Discours :  rendre à la France sa force et sa sérénité (articulé en 1) critique du pouvoir en place, 2) déclaration et engagement, 3) projet socialiste
      1. "Un pouvoir enfermé dans ses certitudes"
      2. "On ne gouverne pas en opposant les Français entre eux" "On ne préside pas la France sans porter haut ses valeurs et son identité".
      3. "Derrière l'apparence de l'énergie, qui se confond avec de l'agitation, le pouvoir a une réalité, une politique injuste menée au profit des privilégiés"
      4. "la France connaît des heures difficiles"
      5. "j'ai décidé de proposer ma candidature à l'élection présidentielle"
        "une vision claire, une action cohérente, un langage de vérité"
        "résolue à [se] battre de toutes [ses] forces"' pour "redonner un avenir" au pays.
        Son envie de "rendre à la France sa force, sa sérénité, son unité". 
      6. "tout ne sera évidemment pas possible tout de suite", tout en promettant : "nous reprendrons ensemble le chemin du progrès".
        "un vrai souffle démocratique : une présidente qui préside, un gouvernement qui gouverne, un parlement renforcé et respecté, l'indépendance de la justice et des médias assurée, des syndicats et des associations au cœur du changement, une nouvelle décentralisation". 
      7. "Je veux relever le défi d'une France innovante, compétitive et écologique" : "Droit au logement", "sécurité", "retraite décente", "accès aux soins et au logement"...  
      8. Nous avons tous les atouts pour réussir dans la compétition mondiale en bâtissant, dans une France conquérante, un nouveau modèle économique, social et écologique, qui donnera à la France une génération d'avance"
      9.  "rassembler aujourd'hui les femmes et les hommes de gauche, les écologistes et les humanistes", elle a conclu en prenant "l'engagement de la victoire en 2012".
  • François Hollande (31 mars 2011)
 
  • Il a choisi son fief électoral, Tulle, pour annoncer sa candidature aux primaires socialistes après sa réelection à la présidence du Conseil général de la Corrèze, le 31 mars 2011 

Cas 2 : l'acte de candidature de Nicolas Sarkozy pour 2007 (le brio de la pré-annonce, le cafouillage de la déclaration formelle)

    • Enjeu triple : 
      • Défi #1: préempter très tôt la candidature de la droite. La succession de Chirac ouvre le jeu à droite. Plusieurs ténors peuvent se lancer dans la course (D. de Villepin notamment).
      • Défi #2: incarner la rupture (son positionnement pour ne pas avoir à assumer et subir le bilan Chirac et essuyer la lassitude de l'électorat) : candidat de la rupture, il ne peut pas faire de la «rupture» un programme avec une déclaration banale
      • Défi #3: Dépasser l'image d'électron libre ambitieux et poil-à-gratter pour s'imposer en candidat de la droite ; donner des garanties de sa capacité à opérer la "magie du rassemblement", au-delà des clivages

    • La pré-annonce (3 ans et demi avant l'élection)
      • Le brio de la méthode : en novembre 2003, Nicolas Sarkozy alors ministre de l'Intérieur a bousculé les codes dès novembre 2003, sur le plateau de l'émission "100 minutes pour convaincre".
        • Sur le plateau, le 20 novembre 2003: "Pensez-vous à la présidentielle quand vous rasez le matin?", demande le journaliste Alain Duhamel, en fin d'émission. "Pas simplement quand je me rase", répond Nicolas Sarkozy. 
        • Cette boutade, immédiatement reprise par tous les médias, a l'effet d'une bombe à droite et à l'Elysée.  
        • Elle a marqué le coup d'envoi officielle de son opération séduction des cadres de l'UMP, des médias et de l'opinion.  
    • Avant la déclaration formelle (novembre 2006)
      • J - 7 : Opération «48 heures pour le projet de la France d’après», permettant aussi à Sarkozy de parler de la magie du rassemblement et de mettre en garde ceux qui veulent diviser
      • J - 5 : Teasing médiatique : alors que Ségolène Royal braque l'attention des médias sur elle, à 5 mois de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy essaye de faire monter "la sauce" sur le moment et la manière dont il annoncera aux Français
      • J-2 : son entourage laisse fuiter que le format de la déclaration de candidature sera "surprenant"
    • La déclaration officielle : Sarkozy rate son coup (5 mois avant l'élection)
      • Le candidat UMP rate pourtant son annonce officielle : son entretien à 61 journaux régionaux a fuité sur le site de Libération, la veille, le 29 novembre, jour de l'anniversaire de Jacques Chirac. Il a également raté sa séquence internet. Son site de campagne n'est pas sorti au moment où il est sur tous les plateaux télévision.
        • Le choix du support : reprendre à son compte la méthode d'un candidat-gagnant : S'adresser aux Français et se déclarer dans la presse quotidienne de province, comme Jacques Chirac l'avait fait en 1994 (par une interview au quotidien La Voix du Nord) avant de remporter le scrutin
        • Innover en augmentant la force de frappe médiatique : viser non pas un, mais plusieurs titres de presse de province 
         
    • L'après-déclaration :  le soir du jour J, il explique ses motivations et les grandes lignes de son programme sur le plateau de télévision d'une émission politique (France 2 : "A vous de juger") pendant près de 3 heures...

    • Les réactions : déception et surprise ; "beaucoup de bruit pour rien" ; le candidat s'installe dans le rôle de joueur politique audacieux, qui n'a pas froid et prompt à recourir aux coups de poker, ce qui plaît ou non.



    Cas 3 : l'acte de candidature de Lionel Jospin pour 2002 (fiasco) 
     

    • La méthode du fax : glacial, anodin, "un avis de décès" ont même critiqué certains
      • Timing : annonce faite dix jours après celle de Jacques Chirac
      • Envoi en fin d'après-midi d'un fax sibyllin à l'Agence France Presse depuis son domicile parisien : « Lionel Jospin candidat à la présidence de la République. »
      • Aussitôt les journalistes qui connaissent l’adresse de Jospin s’y précipitent. Les premiers arrivés découvrent un homme seul, descendu de chez lui et qui, sur le trottoir, longe le mur. La démarche est un peu empruntée. Surpris et pas surpris par la présence de quelques caméras. C’est « le » candidat, celui qui doit et va terrasser Chirac.
    • Ce communiqué de quelques mots est apparu après coup comme le premier acte d'une campagne ratée qui débouchera sur l'élimination du Premier ministre PS au premier tour, au soir du 21 avril 2002.




    Cas 4 : l'acte de candidature de Jacques Chirac pour 1995 (prendre de vitesse ; proximité vs. distance)

     

    • 1995 : Jacques Chirac prend de vitesse son adversaire Edouard Balladur (déclaré en 18 janvier 1995 par une annonce télévisée à Matignon) en s'adressant aux Français depuis la province : par une interview au quotidien La Voix du Nord le 4 octobre 1994 
    • Pour l'élection de 2002, il se déclare candidat depuis un déplacement à Avignon : dans une réponse à la maire d'Avignon
    • 1981, 1998 : les déclarations d'un perdant 
      • En 1981, maire de Paris, et 1988, Premier ministre, il se déclare depuis son bureau de l'hôtel de Ville ou de Matignon, seul face à la caméra, sur un ton officiel, trop solennel, trop lointain, et distant. Echec.




    Cas 5 : l'acte de candidature de François Mitterrand pour 1988 (campagne éclair, "petit oui" télévisé) 



    • En 1988, François Mitterrand est président sortant. Il est le dernier à s’exprimer. Jacques Chirac, son Premier ministre de cohabitation, s’est déclaré dès le mois de janvier depuis son bureau de Matignon, mais le président attend le 22 mars, soit juste deux mois avant l’échéance. Il mise donc sur une campagne courte.  Sa candidature est officialisée en quelques réponses lapidaires dans le journal télévisé d'Antenne 2 






    Cas 6 : l'acte de candidature de François Mitterrand pour 1981 (Rocard écarté)


     
    • Après la déclaration ratée de Michel Rocard le 19 octobre 1980 depuis sa mairie de Conflans-Sainte-Honorine  : caméras mal placées, mauvaise lumière, discours flottant, candidature floue et incertaine, manque de souffle et d'élan
    • François Mitterrand se déclare le 8 novembre 1980. Rocard se retire. Mitterrand est désigné par le PS le 24 janvier 1981. "Il ne s’agit plus de moi, c’est le parti tout entier qui s’engage ", déclare-t-il très solennel. 
    • Avant les déclarations de Valéry Giscard d'Estaing, président sortant (3 mars 1981) et de Jacques Chirac (2 février 1981)



    Cas 7 : l'acte de candidature de Valéry Giscard d’Estaing pour 1974 (territoire)


     

    • Le choix du terroir, le choix du mass média : Valéry Giscard d’Estaing regarde «la France au fond des yeux» à la télévision en direct de sa circonscription, depuis sa mairie de Chamalières dans le Puy-de-Dôme

samedi 22 octobre 2011

Affiches de campagne pour les élections présidentielles : expériences françaises

Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 22 octobre 2011



Affiches de campagne pour les élections présidentielles : expériences françaises


Une affiche, pourquoi?

Pièce incontournable de la boîte à outils électorale, l'affiche de campagne répond à différents critères ; programmatique (slogan, valeurs du parti), photographique, typographique. 

Utilisée pour marquer son territoire, séduire (rassurer et galvaniser sa base ; capter de nouveaux électeurs), l'affiche présidentielle sert surtout à institutionnaliser l'image du candidat : en figure paternaliste, de leader, de tribun, d'ami, de prof, d'égérie/icône, etc.

Globalement, il existe plusieurs types de supports d'expression politique pour les campagnes présidentielles :
- affichage internet : site web du candidat, du parti, des soutiens, des réseaux sociaux
- affichage "commercial" : format noble de l'affichage politique, destiné aux panneaux commerciaux (3x4m), e code électoral, il a perdu de son souffle depuis que le code électoral a interdit la publicité politique sous toute forme de support pendant la période des trois mois précédant le mois du premier tour. De facto, et pour rationaliser les dépenses de campagne, les candidats ont tendance à se détourner de l'affichage commercial coûteux et plus ou moins efficace.
- affichage "officiel" : devant chaque bureau de vote.
- affichage "sauvage" : détourner les affiches officielles, les panneaux officiels, la signalétique publique, les encarts encore vides devant les bureaux de vote par des expressions politiques ou artistiques (graffitis, tags, dessins, arrachages, ....)


Nicolas Sarkozy, présidentielle 2007 :

- slogan "Ensemble, tout devient possible"
- parti pris graphique : cette affiche nous emmène sur le terrain de « la force tranquille » de François Mitterrand en 1981. Le candidat cherche à émerger comme un symbole de calme et de sérénité. Plusieurs bémols, notés à gauche comme parmi les rangs de la droite : le décor de verdure ressemble plus à une image de synthèse que réelle ; l'éclairage sur le candidat rajoute à l'aspect sophistiqué, travaillé, voire contre-nature.
- résistances : à l’UMP, si le slogan a fait l’unanimité, beaucoup de sarkozystes ont critiqué cette affiche jugée trop figée et contradictoire : le candidat du rassemblement ("ensemble") apparaît seul, au milieu d’un paysage de vallons vides.





Ségolène Royal, présidentielle 2007 :

-  Parti pris graphique : une "imagerie" noir et blanc, densifiée, digne d'une actrice hollywoodienne des années 50 ; un cadrage serré osé ; une référence quasi invisible au parti (comme une simple caution) ; un slogan en conflit avec la signature, une hiérarchie devenant flottante.

 


François Mitterrand, présidentielle 1981 : 

- une des plus célèbres affiches électorales françaises



Pour mémoire, et pour sortir de l'Hexagone : 

- l'affiche d'Helmut Kohl en 1994 : intelligente, épurée, percutante dans la simplicité



© Tous droits réservés :www.flickr.com/photos/stefan_ka/66220526/







vendredi 21 octobre 2011

Internet, caution démocratique pour les premières élections libres de la Tunisie depuis la chute du régime Ben Ali?

Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 16 octobre 2011

 

Internet, caution démocratique pour les premières élections libres de la Tunisie depuis la chute du régime Ben Ali?

Contexte
  • Dix mois après le départ de Ben Ali sous la pression de la rue et d'une jeunesse indignée et révoltée par l'asphyxie économique et l'absence de perspectives, la Tunisie, premier pays du "Printemps arabe", se dirige vers ses premières élections libres. 
  • Programmées le 23 octobre, les élections vont permettre de nommer l'Assemblée constituante responsable de la future réforme constitutionnelle (dont dépendra la future élection présidentielle).

Enjeu
  • Alors qu'Internet a joué un rôle prépondérant dans la maïeutique de la révolution tunisienne, permettant notamment à la jeunesse de se structurer et de se mobiliser, quel rôle Internet et les réseaux sociaux jouent-ils précisément dans ce scrutin historique? 
  • La bouffée d'oxygène qu'a représenté le départ de Ben Ali et de facto l'arrêt net du carcan autoritaire a permis de revigorer la scène politique tunisienne. 
  • Le jeu est aussi ouvert qu'embrouillé. L'échiquier électoral est marqué par une présence exceptionnellement variée de partis et de micro-formations. 109 partis sont en lice, avec un contingent de près de 11 000 candidats répartis en 1522 listes.
  • Au final, la victoire des partis tiendra à la conquête de l'électorat par un matraquage et une visibilité forte sur le terrain. Celui qui sera le plus visible et "proche" de son peuple sera d'autant plus crédible à la victoire - d'autant que l'éparpillement des voix promet d'être important.
  • L'enjeu pour les élections du 23 octobre, et donc pour la campagne, est moins la crédibilité de l'offre électorale (candidats/partis), que sa visibilité et sa proximité auprès des forces électorales (globalement ou par segment) : impossible de faire campagne pour cette première élection libre sans revendiquer, afficher et mettre en scène un lien direct avec les électeurs.
  • Au-delà de l'enjeu de la victoire pour chacun des partis, ce qui se joue aujourd'hui en Tunisie est primordial. C'est un test national pour une nouvelle façon de faire la politique, aux antipodes des années Ben Ali : être proche pour mieux écouter le peuple, et mieux servir ses intérêts.


Stratégie de campagne
  • Entamée le 1er octobre, la campagne a vu des milliers de candidats entamer le tour des marchés et des quartiers, avec des séquences et des outils classiques de campagne : visite de marchés, tournée des quartiers, meetings, distribution de tracts. 
  • La communication online a su s'imposer, à la faveur du rôle prépondérant joué en décembre 2010/janvier 2011, quand ce sont les réseaux sociaux qui ont su faire "bouger les lignes" de la politique tunisienne. 
  • Les différentes formations ont utilisé Internet pour pallier et répondre à l'impatience grandissante des Tunisiens face à des réformes qui se font attendre. 
  • Internet est plus qu'un outil ou un simple "terrain" de communication et d'influence. C'est une caution pour la victoire, de caution des idées et donc au final de caution démocratique.
  • Les partis l'ont bien compris : il leur était impossible d'ignorer les médias sociaux. L'effervescence du débat sur Internet et l'explosion de l'outil Internet dans les campagnes de chacun des partis est à ce titre significative.
  • Les observateurs et les commentateurs tunisiens ont également investi l'espace online pour servir l'internaute-électeur en décryptage et vulgarisation de l'offre et dégager les grandes lignes de ce "capharnaüm électoral". En témoigne la multiplication des blogs et sites d'analyse : http://observatoirepolitiquetunisien.wordpress.com/



  • Autre fait nouveau, à l'image de la Tunisie précurseur et pionnière, des débats strictement internet ont été initiés. A 2000 kilomètres plus au nord, même les socialistes français en pleine primaire, n'ont utilisé ces plateformes de débat pour établir une communication directe entre les acteurs de la politique et les électeurs.
  • Tunisia-Live.net et Zied Mhirsi (@zizoo) ont lancé une chaîne de débats politiques interactifs sur Youtube. Sous la signature "Posez vos questions, soyez la voix de votre pays", la chaîne revendique d'établir une communication directe entre les acteurs de la scène politique et les citoyens tunisiens. Le débat a lieu sur la chaîne Youtube : il est possible de poser des questions en vidéo ou par écrit à l'invité du jour, ainsi que de voter pour les meilleures questions. Celles-ci seront posées à l'invité politique dans un débat filmé. Plusieurs vidéos de candidats sont déjà disponibles :  Riadh Ben Fadl, Mokhtar El-Yahyaoui, Mohammed Jegham, Emna Menif, Abdelfattah Mourou, Moustapha Ben Jaafar...

 

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Tunisie : Facebook pour mobiliser la jeunesse aux urnes

Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 17 octobre 2011

 

Tunisie : Facebook pour mobiliser la jeunesse aux urnes


 
 E-campagne citoyenne : incitation au vote

Contexte
  • Jeunesse tunisienne, acteur-électeur : grand acteur de la révolution de Jasmin de décembre 2010-janvier 2011 qui a entraîné la chute du régime Ben Ali, la jeunesse tunisienne est une des clés du scrutin législatif du 23 octobre (Assemblée constituante), premières élections libres du pays.
  • Le précédent Internet créé par la révolution de Jasmin de décembre 2010-janvier 2011 : la structuration et la mobilisation de la jeunesse tunisienne indignée via les réseaux sociaux a joué un rôle crucial dans le déploiement et la réussite de la révolution du premier des pays du "Printemps arabe".
Double enjeu
  • La jeunesse tunisienne, une force électorale à conquérir et d'abord à mobiliser
  • Les partis politiques et le pouvoir de transition ont tous saisi le pouvoir de mobilisation d'internet et des réseaux sociaux
Stratégie de campagne civique
  • L'Instance supérieure indépendante des élections tunisienne a lancé une campagne de mobilisation baptisée "La Tunisie vote", basé sur 3 outils : 
    1. facebook 
      • http://www.facebook.com/isietn?sk=app_165317686890591#!/pages/TUNISIE-23-OCTOBRE/245395142173003 (Page publique)
      • Mécanisme : inciter en mobilisant et en engageant
        • Après avoir indiqué sa circonscription et cliqué sur l'onglet "J'irai voter le 23 octobre", l'internaute accède à une page depuis laquelle il peut inviter ses amis de la même circonscription à venir voter. 
        • Chaque participant peut suivre, en temps réel, le nombre d'amis ayant accepté l'invitation et surtout le classement des autres joueurs. Le but du jeu est d'être le premier au sein de sa circonscription, en nombre d'amis mobilisés, afin d'en devenir l'ambassadeur de sa circonscription.
          Un titre honorifique qui a déjà séduit plus de 48 000 personnes, inscrites sur la page Facebook.
    2. twitter 
      • https://twitter.com/#!/isietn 
    3. site dédié 

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La nouvelle stratégie de communication de Vladimir Poutine pour légitimer son retour au Kremlin : se positionner en homme providentiel d'un Russie au bord du chaos

Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 17 octobre 2011


 


La nouvelle stratégie de communication de Vladimir Poutine pour légitimer son retour au Kremlin : se positionner en homme providentiel d'un Russie au bord du chaos



L'enjeu


Légitimer et défendre le retour annoncé de Vladimir Poutine à la Présidence russe et sa "longévité" contestée (perspectives de deux mandats présidentiels successifs jusqu'en 2024) alors que l'actuel Premier ministre est l'homme fort de la Russie depuis près de douze ans. 



La stratégie

- Parti pris stratégique


  • Mobiliser par "la peur" : réécrire l'histoire, électriser le climat, agiter le chiffon rouge d'une Russie menacée, dramatiser le contexte actuel et stigmatiser son instabilité (économique, financière...) pour positionner Poutine en homme providentiel et mieux légitimer un pouvoir fort
  • Multiplier les références à des personnalités internationales consensuelles mais à la longévité politique avérée pour extirper Poutine de la controverse et le projeter dans une perspective positive et constructive
  • Réfuter catégoriquement l'idée d'une l'élection jouée d'avance, revendiquer la crainte du verdict des urnes

- Positionnement


  • Eriger et transformer l'homme déjà fort de la Russie en chevalier blanc d'une nation en danger, en rempart de l'instabilité et en roc inaltérable, fiable, fidèle ; exploiter la stature et la figure du chef qu'il incarne pour le transformer en sauveur, protecteur, figure paternelle, bienfaiteur de la Russie menacée
=> Rôle messianique : faire de Vladimir Poutine le "messie" attendu

- Plan de communication


  • Exploiter la première prise de parole grand format aux masses du Premier ministre russe Vladimir Poutine depuis son annonce de candidature par une interview commune aux trois principales chaînes de télévision russes (la Première, Rossia 1, NTV)

- Timing

  • Interview diffusée 3 semaines après l'annonce de son intention de redevenir Président, au congrès de son parti, Russie Unie, le 24 septembre 2011


Les messages forts

- Russie menacée, besoin d'un pouvoir fort


  • "Quand un pays se trouve dans des conditions difficiles, ces éléments de stabilité, y compris dans la sphère politique, sont extrêmement importants"  "Je me garderais bien de dire que la situation ne peut pas être pire. Il suffit de faire deux ou trois faux pas pour que tout s'écroule si vite qu'on n'ait même pas le temps de s'en apercevoir"
  • "Quand nous avons été confrontés à des menaces énormes, telles qu'elles pouvaient remettre en question l'existence même de notre Etat, alors, bien sûr, nous avons dû 'serrer les boulons', pour parler franchement, et introduire des mécanismes durs, en matière politique essentiellement".

- Référence explicite à des personnalités internationales : plusieurs exemples de longévité politique, gage de stabilité en période de crise, comme le général de Gaulle en France, le chancelier Helmut Kohl, seize ans au pouvoir, ou le président américain Franklin Roosevelt.

- Revendiquer un jeu ouvert ; déporter la responsabilité non pas sur l'offre politique pauvre, mais sur les électeurs


  • "Ce sont les élections qui décident de tout"
  • "Pour le citoyen ordinaire, il y a toujours un choix"
  • "Russie unie doit rester la force politique dominante dans le pays et à la Douma. Le plus important, ce n'est pas le gouvernement ni la fonction. Le plus important, c'est la confiance des gens"

- Exalter la politique étrangère russe


  • La promesse de la poursuite d'une politique étrangère "équilibrée" : stigmatiser l'Occident, accusé de prêter à tort à la Russie des "ambitions impérialistes"
  • Saper les critiques : "Je peux dire à ces critiques, manifestement malhonnêtes: Occupez-vous de vos affaires, luttez contre l'inflation, contre la dette, contre l'obésité"

"Les Français font toujours le bon choix" : Quand un Président prend la parole pour mettre en garde les électeurs français

Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 19 octobre 2011


"Les Français font toujours le bon choix" : Quand un Président prend la parole pour mettre en garde les électeurs français




"Le bon choix" est une expression initiée par Valéry Giscard d'Estaing à Verdun-sur-le-Doubs en janvier 1978 pour persuader l'électorat français "flottant" et sa base, et les mettre en garde contre une victoire de la gauche aux élections législatives prévues deux mois plus tard et les blocages politiques qu'elle provoquerait : le ton affiché est parternaliste mais il cache mal ses inquiétudes. Quelques jours plus tard, VGE fonde l'UDF.

L'expression reprise à grand bruit par Nicolas Sarkozy le 18 octobre 2011 pour répondre à une question de journaliste sur la prochaine élection présidentielle 2012, au moment même où le parti majoritaire semble déstabilisé par le choc des primaires socialistes : cette "récupération sémantique" affichée (Nicolas Sarkozy précise citer VGE) lui permet surtout, entre les lignes, de mettre en garde les Français contre une victoire de la gauche...

  • Le 18 octobre 2011, Nicolas Sarkozy affirme : "Quand les Français choisissent, c'est par définition le bon choix", lors d'un entretien mardi avec l'AFP, RCJ et Radio J. 
  • Interrogé sur ses mauvais sondages, le président de la République, qui n'a pas encore déclaré sa candidature pour 2012, a répliqué qu'il n'avait "pas de commentaires à faire". "J'ai un travail à faire. Mon travail, c'est de protéger les Français, d'apporter des réponses à leurs problèmes. Et puis, on verra bien (...) Ce qui compte, c'est de faire son travail et après les Français choisiront. Et ce qu'ils choisiront, ce sera le bon choix", a-t-il dit.
Ci-dessous l'intégralité du discours prononcé par VGE à Verdun-sur-le-Doubs : 

Mes chères Françaises et mes chers Français, Le moment s'approche où vous allez faire un choix capital pour l'avenir de notre pays, mais aussi un choix capital pour vous. Je suis venu vous demander de faire le bon choix pour la France.
*
*  *
Ce choix, c'est celui des élections législatives.
Certains, en les voyant venir, paraissent presque les regretter. Comme si tout serait plus simple si les Français n'avaient pas à se décider et si l'on pouvait décider pour eux !
Mais, puisque nous sommes en démocratie, puisque c'est vous qui avez la parole, puisque c'est vous qui déciderez, il faut bien mesurer la gravité du geste.
Trop souvent en France les électeurs se prononcent comme s'il s'agissait de vider une querelle avec le pouvoir ou de punir le gouvernement.
C'est une fausse conception : le jour de l'élection, vous ne serez pas de simples passagers qui peuvent se contenter de critiquer le chauffeur, mais vous serez des conducteurs qui peuvent, selon le geste qu'ils feront, envoyer la voiture dans le fossé ou la maintenir sur la ligne droite.
Il s'agit de choisir votre propre avenir.
Ce soir, je ne m'adresse pas aux blasés, à ceux qui croient tout savoir, et qui ont une opinion sur tout.
Moi qui, dans ma fonction, connaît bien les limites du savoir, je m'adresse à celles et à ceux qui cherchent, à celles et à ceux qui ne savent pas encore, à ceux qui écoutent, à ceux qui se taisent, à ceux qui voteront pour la première fois, à toutes celles et à tous ceux qui voudraient être sûrs de bien choisir.
Je m'adresse à vous.
Certains ont voulu dénier au président de la République le droit de s'exprimer.
Curieuse République que celle qui serait présidée par un muet !
Nul n'est en droit de me dicter ma conduite. J'agis en tant que chef de l'État et selon ma conscience, et ma conscience me dit ceci :
Le président de la République n'est pas un partisan, il n'est pas un chef de parti. Mais il ne peut pas rester non plus indifférent au sort de la France.
Il est à la fois arbitre et responsable.
Sa circonscription, c'est la France. Son rôle, c'est la défense des intérêts supérieurs de la Nation. La durée de son mandat est plus longue que celle du mandat des députés.
Ainsi, la constitution a voulu que chaque président assiste nécessairement à des élections législatives et, si elle l'a doté de responsabilités aussi grandes, ce n'est pas pour rester un spectateur muet.
Parmi mes responsabilités, j'ai celle de réfléchir constamment, quotidiennement, aux problèmes de l'avenir, et de mettre en garde les citoyens contre tout choix qui rendrait difficile la conduite des affaires de la France.
C'est ce qu'il m'appartient de faire ce soir. Je vous donnerai tous les éléments nécessaires pour éclairer votre décision. Mais, dans la France républicaine, la décision dépendra de vous.
Que penseraient et que diraient les Français si, dans ces circonstances, leur président se taisait? Ils penseraient qu'il manque de courage en n'assumant pas toutes ses responsabilités. Et ils auraient raison.
Mais le président de la République n'est pas non plus l'agent électoral de quelque parti que ce soit. Le général de Gaulle ne l'était pas. Je ne le serai pas davantage.
Le président n'appartient pas au jeu des partis.
Il doit regarder plus haut et plus loin, et penser d'abord à l'intérêt supérieur de la nation.
C'est dans cet esprit que je m'adresse à vous.
*
*  *
Comme arbitre, je m'exprimerai avec modération, hors des polémiques et des querelles de personnes.
*
*  *
Comme responsable, je vais vous parler du bon choix. Le bon choix est dicté par le bon sens.
Il faut regarder la réalité en face. Et elle vous répond ces quatre vérités :
—    il faut achever notre redressement économique ;
—    il faut que la France puisse être gouvernée ;
—    il faut avancer vers l'unité et la justice ;
—    il faut assurer le rôle international de la France.
Et ce sont ces quatre vérités qu'à mon tour je vais vous dire.
*
*  *
Il faut achever notre redressement économique.
La France hésite entre deux chemins : celui de la poursuite du redressement et celui de l'application du Programme commun.
Il y a une attitude qui met en danger le redressement : c'est la démagogie qui veut vous faire croire que tout est possible tout de suite.
Ce n'est pas vrai. Ne croyez pas ceux qui promettent tout. Vous ne les croyez pas dans votre vie privée. Pourquoi voulez-vous les croire dans votre vie publique ?
Les Français ne vivront pas heureux au paradis des idées fausses !
Je comprends bien que certains d'entre vous, certains d'entre vous qui êtes devant moi, certains d'entre vous qui me regardez chez eux, à la télévision, je comprends bien que certains d'entre vous soient tentés de voter contre la crise.
Vous qui travaillez dur, vous qui avez peur que vos enfants ne trouvent pas facilement un emploi, et auxquels on explique que tout s'arrangerait si vous vous contentiez de changer ceux qui vous gouvernent, je vous comprends, c'est vrai, d'être tentés de voter contre la crise !
Et d'ailleurs si c'était si simple et si on pouvait s'en débarrasser par un vote, pourquoi ne pas le faire ?
Malheureusement, il n'est pas plus efficace de voter contre la crise que de voter contre la maladie. La crise se moque des bulletins de vote.
La crise est comme l'épidémie, elle nous vient du dehors. Si nous voulons la guérir, il faut bien choisir le médecin.
Et si nous pensons nous en débarrasser par la facilité, l'économie se vengera, et elle se vengera sur vous !
Regardez où nous en sommes ! Au mois de décembre, le dernier mois connu : un commerce extérieur en excédent, une hausse des prix ramenée à 0,3 %, un chômage qui recule alors qu'on vous annonçait bruyamment le contraire.
Ces résultats, vous le comprenez, sont d'une grande importance pour la France. Ils signifient que l'action ferme, courageuse, persévérante, entreprise par le gouvernement sous l'impulsion personnelle de son Premier ministre, Raymond Barre, est en train de porter ses fruits. Je le félicite pour son courage, sa compétence et sa loyauté.
Mais rien n'aurait pu être accompli sans vous, sans vous qui avez soutenu le redressement par votre discipline et par votre effort. Ces résultats sont votre bien, difficilement acquis. Est-ce le moment de les remettre en cause? Ne vaut-il pas mieux poursuivre l'effort, déboucher enfin sur une situation assainie, sur une économie rétablie, sur des conditions favorables de vie ?
Pensez à la situation d'une personne tombée à la mer et qui nage, qui nage à contre-courant pour regagner la rive !
Le courant est puissant. Mais, à force de nager, elle s'est rapprochée du rivage. Elle y est presque. Elle va le toucher.
Alors une voix vient lui conseiller à l'oreille : pourquoi te donner tant de peine ? Tu commences à être fatiguée. Tu n'as qu'à te laisser porter par le courant.
Elle hésite. C'est bien tentant. Pourquoi ne pas se laisser aller ?
Mais quand on se laisse emporter par le courant, on se noie.
Oui, il faut achever le redressement de notre économie.
*
*  *
L'autre voie est l'application du Programme commun.
Je vous ai parlé du Programme communiste en 1974 pendant la campagne présidentielle, et vous m'avez donné raison.
Mon jugement n'a pas changé et il n'est pas lié aux prochaines élections.
J'ai le devoir de vous redire ce que j'en pense, car il ne s'agit pas pour moi d'arguments électoraux, mais du sort de l'économie française.
L'application en France d'un programme d'inspiration collectiviste plongerait la France dans le désordre économique.
Non pas seulement, comme on veut le faire croire, la France des possédants et des riches, mais la France où vous vivez, la vôtre, celle des jeunes qui se préoccupent de leur emploi, celle des personnes âgées, des titulaires de petits revenus, des familles, la France de tous ceux qui souffrent plus que les autres de la hausse des prix.
Elle entraînerait inévitablement l'aggravation du déficit budgétaire et la baisse de la valeur de notre monnaie, avec ses conséquences sur le revenu des agriculteurs et sur le prix du pétrole qu'il faudra payer plus cher.
Elle creuserait le déficit extérieur, avec ses conséquences directes sur la sécurité économique et sur l'emploi. Une France moins compétitive serait une France au chômage !
Toutes les études qui ont été faites par des personnalités non politiques, toutes les expériences qui ont eu lieu chez nos voisins, aboutissent à la même conclusion. Il n'existe pas un seul expert, un seul responsable européen pour dire le contraire.
Tout cela, votre réflexion permet de le comprendre.
Vous pouvez choisir l'application du Programme commun. C'est votre droit. Mais si vous le choisissez, il sera appliqué. Ne croyez pas que le président de la République ait, dans la constitution, les moyens de s'y opposer.
J'aurais manqué à mon devoir si je ne vous avais pas mis en garde.
*
*  *
Il faut ensuite que la France puisse être gouvernée.
Vous avez constaté avec moi combien il est difficile de conduire un pays politiquement coupé en deux moitiés égales.
Personne ne peut prétendre gouverner un pays qui serait coupé en quatre.
Quatre grandes tendances se partagent aujourd'hui les électeurs, deux dans la majorité, deux dans l'opposition. Aucune de ces tendances ne recueillera plus de 30 % des voix. Aucune d'elles n'est capable de gouverner seule.
Beaucoup d'entre vous, parce que c'est dans notre tempérament national, aimeraient que le parti pour lequel ils ont voté, qui est le parti de leur préférence, soit capable de gouverner seul. C'est même leur espoir secret. Il faut qu'ils sachent que c'est impossible.
Aucun gouvernement ne pourra faire face aux difficiles problèmes de la France avec le soutien de 30 % des électeurs. Si on tentait l'expérience, elle ne serait pas longue, et elle se terminerait mal.
Puisqu'aucun des partis n'est capable d'obtenir la majorité tout seul, il lui faut nécessairement trouver un allié. C'est ici que la clarté s'impose.
Un allié pour gouverner, ce n'est pas la même chose qu'un allié pour critiquer ou pour revendiquer.
Gouverner, c'est donner, mais c'est aussi refuser et parfois, pour servir la justice, c'est reprendre. Or, il est facile de donner mais il est difficile de refuser ou de reprendre.
Si des partis sont en désaccord lorsqu'il s'agit de promettre, comment se mettront-ils d'accord quand il s'agira de gouverner ? Dans les villes qui ont été conquises par de nouvelles équipes, combien de budgets ont été votés en commun ? Qui votera demain le budget de la France ?
Il faut donc que vous posiez aux candidats la question suivante : puisque vous ne pouvez pas gouverner tout seuls, quels alliés avez-vous choisis ?
Et deux alliances se présentent à vous :
L'une est l'alliance de la majorité actuelle. Elle a démontré qu'elle pouvait fonctionner, malgré des tiraillements regrettables. Elle a travaillé dans le respect des institutions, dont la stabilité constitue une de nos plus grandes chances et qui doivent être par-dessus tout protégées. Elle a soutenu l'action du gouvernement. Elle a voté le budget de la France.
Elle comprend, à l'heure actuelle, deux tendances principales, ce qui est naturel dans un aussi vaste ensemble, et ce qui répond au tempérament politique des Français. Chacune de ces tendances met l'accent sur ses préférences et exprime son message. Chacune fait connaître clairement et franchement, selon sa sensibilité propre, ses propositions pour résoudre les problèmes réels des Français. Chacune fait l'effort indispensable pour se renouveler et pour s'adapter. Jusque-là, quoi de plus naturel ?
Mais il doit être clair qu'elles ne s'opposent jamais sur l'essentiel et qu'elles se soutiendront loyalement et ardemment au second tour.
Dans chacune de ces tendances, des hommes ont soutenu l'action du général de Gaulle. Dans chacune de ces tendances, des hommes ont soutenu ma propre action de réforme. Et ce sont d'ailleurs, le plus souvent, les mêmes ! Que toutes deux cherchent dans l'histoire récente de notre pays des motifs de s'unir et non de se diviser.
J'ajoute que, pour que l'actuelle majorité puisse l'emporter, il est nécessaire que chacune de ces tendances enregistre une sensible progression. Aucune ne peut prétendre obtenir ce résultat toute seule ! Si elles veulent réellement gagner, la loi de leur effort doit être de s'aider et non de se combattre !
L'autre alliance est celle qui propose le Programme commun.
Les partis qui la composent se sont apparemment déchirés depuis six mois. Aujourd'hui, voici qu'ils indiquent à nouveau leur intention de gouverner ensemble. Quelle est la vérité ? L'équivoque sur les alliances ne peut pas être acceptée, car elle dissimule un débat de fond sur lequel l'électeur a le droit d'être informé au moment de choisir.
Il y a, en effet, deux questions fondamentales :
— Y aura-t-il ou non une participation communiste au gouvernement ?
—  Le gouvernement appliquera-t-il ou non le Programme commun ?
Le choix de l'alliance pour gouverner ne peut pas être renvoyé au lendemain des élections. Ce serait retomber dans les marchandages et dans les interminables crises politiques que les Français condamnaient sans appel quand ils en étaient jadis les témoins humiliés.
Vous avez droit à une réponse claire sur un point qui engage notre stabilité politique : avec quel partenaire chacune des grandes formations politiques s'engage-t-elle à gouverner ?
Car il faut que la France puisse être gouvernée.
*
*  *
Mais le choix des Français ne doit pas être seulement un choix négatif.
Il ne suffit pas que les uns votent contre le gouvernement et les autres contre le Programme commun pour éclairer l'avenir de notre pays.
Un peuple ne construit pas son avenir par une succession de refus.
Dans la grande compétition de l'Histoire, un peuple gagne s'il sait où il veut aller.
C'est pourquoi je propose à la France de continuer à avancer dans la liberté, vers la justice et vers l'unité.
Et c'est à vous de le faire connaître à vos élus.
*
*  *
Patiemment, depuis trois ans et demi, malgré les difficultés économiques, malgré le conservatisme des uns, malgré l'incompréhension des autres, j'ai fait avancer la France vers davantage de justice.
Jamais en trois ans et demi le sort des personnes âgées n'a été plus régulièrement et plus sensiblement amélioré.
Jamais la situation des plus démunis, de ceux qui ne parlent pas le plus fort, les handicapés, les femmes isolées, les travailleurs licenciés, n'a fait l'objet d'autant de mesures nouvelles.
L'indemnisation de nos compatriotes rapatriés, en attente depuis quinze ans, a été proposée et décidée, et je veillerai à sa juste application.
Les évolutions de notre société en profondeur ont été comprises et encouragées par l'action en faveur de la condition des femmes, et de la situation de ceux qui fabriquent de leurs mains la richesse de notre pays, je veux dire les travailleurs manuels.
L'aide aux familles a été simplifiée et désormais sensiblement augmentée.
Et le résultat de toute cette action a été une réduction des inégalités en France, réduction désormais constatée dans les statistiques et qui n'est plus niée que par ceux qui craignent d'être privés d'un argument électoral.
Oui, notre peuple avance vers la justice. Je sais que vous avez peu à peu compris le sens de mon effort.
Je suis le premier à dire, le premier à reconnaître que tout n'est pas parfait et que nous avons encore beaucoup à accomplir ensemble.
En juillet dernier, devant un auditoire semblable au vôtre, par une autre température, à Carpentras, j'ai demandé au Premier ministre et au gouvernement, dont c'est le rôle naturel, de déterminer les moyens d'action, c'est-à-dire l'engagement de ce qu'un gouvernement peut faire de précis pour améliorer le sort des Françaises et des Français.
Le Premier ministre vient de présenter ces objectifs d'action, et vous commencez à les connaître.
J'y retrouve, en particulier, trois grands desseins qui me tiennent à cœur.
Le premier d'entre eux est de rendre les Français propriétaires de la France.
Non pas propriétaires collectivement par l'intermédiaire d'une bureaucratie de plus, qui étendrait encore le domaine tentaculaire de l'État, mais propriétaires individuellement de la France par la propriété de leur logement, par la propriété de leur outil de travail, s'ils sont producteurs individuels, et par une plus large diffusion de la propriété des grandes entreprises.
Le général de Gaulle en avait eu l'intuition lorsqu'il a parlé de participation, et qu'il a exprimé par ce mot une idée directrice susceptible d'applications multiples. Nous avons avancé dans cette voie en créant cette année l'aide personnalisée au logement, qui va désormais faciliter l'accession à la propriété.
Dans notre peuple français, composé de terriens souvent déracinés, il faut rendre des racines à chacun. Et y a-t-il des racines plus profondes que celles qui vous lient à votre maison, à votre terre, à votre instrument de travail ?
Oui, il faut rendre les Français propriétaires individuels de la France.
Le deuxième objectif concerne la jeunesse.
Notre société n'a pas bien deviné et n'a pas bien compris les problèmes de la jeunesse. Elle a sans doute amélioré utilement certains aspects de l'éducation, de la formation, de l'accès à l'emploi.
Mais elle n'a pas compris que les rapports entre une jeunesse nouvelle et un monde nouveau supposaient une approche, elle aussi, nouvelle.
La jeunesse française, une des plus vigoureuses et des plus sympathiques du monde, notre vraie chance nationale, la jeunesse française vit trop souvent à part, dans son propre univers, ailleurs et autrement.
Il faut nous mettre à son écoute, sans prétention et sans paternalisme, et rechercher avec elle comment rétablir la filière continue allant de la formation vers l'emploi, et comment lui permettre de concilier son besoin d'indépendance et son droit à la sécurité.
Le troisième objectif est celui de la qualité de la vie.
Parce qu'il faut savoir qu'il y a autant d'injustice dans l'accès à la qualité de la vie qu'il peut y en avoir dans la répartition des ressources.
Qu'il s'agisse des transports en commun, de refus du gigantisme, de la lutte contre le bruit, de l'accès aux vacances, de la répartition des espaces verts et des équipements sociaux, nous devons continuer à réduire les inégalités qui subsistent.
Ainsi, ensemble, nous avancerons vers la justice.
*
*  *
Et au-delà de la justice, l'unité.
L'unité, un grand rêve pour la France.
Ma recherche de l'unité, ce n'est pas une manie. Elle n'est pas destinée simplement à rendre plus facile l'action du président de la République.
Elle correspond à notre situation historique.
Nous n'en sommes plus au temps où, comme en 1789, la population de la France représentait presque autant que la population de l'Allemagne et de l'Angleterre réunies, et plus de cinq fois celle des États-Unis d'Amérique. Une époque où la France, même divisée, pouvait encore assurer sa sécurité et faire entendre sa voix.
Aujourd'hui, sur mille habitants de la planète, il y a moins de quinze Français.
Si nous dispersons nos forces, si nous nous disputons à l'excès, si avant le début du match, l'équipe de France se coupe en deux et en vient aux injures, croyez-vous que la France puisse gagner ?
L'unité est la condition du rayonnement de la France.
Notre pays a soif de vérité, de simplicité et d'unité.
J'agis obstinément pour l'unité. Je n'ai jamais répondu depuis trois ans et demi aux critiques et aux attaques.
Et c'est pourquoi je tends la main, sans me lasser, à tous les dirigeants politiques.
Avec obstination, je continuerai mes efforts pour étendre, je dis bien étendre, la majorité.
Soyons clairs, car on empoisonne parfois le choix des Français par des rumeurs.
Il ne s'agit, de ma part, d'aucune manœuvre obscure ou de combinaison machiavélique, mais de la recherche patiente des conditions qui permettront d'associer un nombre croissant de Français à l'œuvre commune.
Je vous le dis en tant que président de la République et en dehors de la compétition des partis : plus nombreux sera l'équipage et plus loin ira le navire.
Là encore, laissez-vous guider par le bon sens.
L'application d'un programme collectiviste aggraverait la coupure de la France, en déclenchant de profondes divisions et en suscitant des rancunes durables. Elle retarderait de plusieurs années l'effort vers l'unité.
Il faut, pour parvenir à l'unité, que vous m'y aidiez. Les candidats, au moment de l'élection, sont extraordinairement attentifs au message des citoyens. Exprimez donc aux candidats le message que la majorité doit, non se diviser, mais s'étendre.
La majorité, dont la France a besoin, ce n'est pas celle d'un front du refus, mais une majorité prête à l'effort pour la liberté, l'unité et la justice.
Il faut aussi veiller à la réputation de la France.
Je suis ici au plus profond de mon rôle, et je regrette d'ailleurs d'être presque le seul à en parler.
La France est aujourd'hui considérée et respectée dans le monde. Considérée et respectée davantage peut-être que vous ne le croyez.
Elle entretient un dialogue loyal et ferme avec les deux superpuissances, dont j'ai reçu les chefs en visite en France.
Elle participe activement aux réflexions internationales sur la prolifération nucléaire et, désormais, sur le désarmement.
Elle apparaît à la fois comme un pays pacifique, mais capable, quand il le faut, d'agir.
Dans le tiers monde, déchiré par trop d'interventions extérieures, la France est à la tête des efforts pour le développement. Elle reste, pour ses partenaires africains, une amie fidèle et sûre.
En Europe, elle poursuit la tâche lente, difficile et nécessaire de l'union de l'Europe. Personne ne suspecte sa volonté d'y contribuer. Elle prendra à nouveau, le moment venu, les initiatives nécessaires.
Oui, la France est aujourd'hui considérée et respectée. Plus personne, comme c'était le cas à certains moments de notre histoire récente, ne sourit de la France.
Cela est dû à la stabilité et à la fermeté de sa politique.
Cela est dû aussi à l'effort qu'elle a accompli pour se doter d'une défense, qui garantisse sa sécurité et son indépendance, et qui doit être tenue à l'écart des incertitudes.
Regardez un instant à l'extérieur, tout autour de nous : combien de pays faibles, combien de gouvernements de crise, combien d'économies assistées !
Au moment de faire votre choix, pensez à la réputation de la France, comme si c'était celle de votre famille.
Quelle réputation lui vaudraient dans le monde l'indécision, le choix de la facilité, la fuite devant les réalités du moment ?
Oui, derrière nos intérêts, à chacun de nous, il y a un tout autre enjeu.
Il s'agit de veiller à la réputation de la France.
Mes chères Françaises et mes chers Français, je vous ai parlé du bon choix pour la France.
Je l'ai fait, vous l'avez vu, avec une certaine gravité.
Il faut que je vous dise pourquoi.
Je vous raconterai pour cela un souvenir d'enfance.
Quand j'avais treize ans, j'ai assisté, en Auvergne, à la débâcle de l'armée française. Pour les garçons de mon âge, avant la guerre, l'armée française était une chose impressionnante et puissante.
Et nous l'avons vu arriver en miettes.
Sur la petite route, près du village où j'irai voter en mars, comme simple citoyen, nous interrogions les soldats pour essayer de comprendre :
« Que s'est-il passé ? »
La réponse nous venait, toujours la même :
« Nous avons été trompés. » « On nous a trompés. »
J'entends encore, à quarante ans d'intervalle, cette réponse, et je me suis dit que si j'exerçais un jour des responsabilités, je ne permettrais jamais que les Français puissent dire : « On nous a trompés. »
C'est pourquoi, je vous parle clairement.
Les conséquences de votre choix, pour vous-mêmes et pour la France, chacune et chacun d'entre vous peut les connaître. Il suffit de dissiper le brouillard des promesses, des faux-fuyants et des équivoques. Il suffit que vous vous posiez des questions très simples :
—    Qui gouvernera la France au printemps prochain ?
—    Qui poursuivra le redressement  nécessaire  de  l'économie française ?
—    Comment l'opinion internationale jugera-t-elle le choix politique de la France ?
Chacune de ces questions comporte une réponse claire. Je n'ai pas à vous la dicter, car nous sommes un pays de liberté. Mais je ne veux pas non plus que personne, je dis bien personne, puisse dire un jour qu'il aura été trompé.
Et puisque nous parlons de la France, je conclurai avec elle.
Il m'a toujours semblé que le sort de la France hésitait entre deux directions :
Tantôt, quand elle s'organise, c'est un pays courageux, volontaire, efficace, capable de faire face au pire, et capable d'aller loin.
Tantôt, quand elle se laisse aller, c'est un pays qui glisse vers la facilité, la confusion, l'égoïsme, le désordre.
La force et la faiblesse de la France, c'est que son sort n'est jamais définitivement fixé entre la grandeur et le risque de médiocrité.
Si au fond de moi-même, comme vous le sentez bien, et comme, je le pense, les Bourguignonnes et les Bourguignons l'ont senti pendant ces deux jours, si, au fond de moi-même, je vous fais confiance, c'est parce que je suis sûr qu'au moment de choisir, oubliant tout à coup les rancunes, les tentations, les appétits, vous penserez qu'il s'agit d'autre chose, et que, qui que vous soyez, inconnu ou célèbre, faible ou puissant, vous détenez une part égale du destin de notre pays.
Et alors, comme vous l'avez toujours fait, vous ferez le bon choix pour la France.
Avant de nous séparer, et puisque je vous ai dit que je conclurai avec la France, c'est avec elle que nous allons chanter notre hymne national.

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