Célia Grémy / Blog "Communication politique" - 16 octobre 2011
Internet, caution démocratique pour les premières élections libres de la Tunisie depuis la chute du régime Ben Ali?
Contexte
- Dix mois après le départ de Ben Ali sous la pression de la rue et d'une jeunesse indignée et révoltée par l'asphyxie économique et l'absence de perspectives, la Tunisie, premier pays du "Printemps arabe", se dirige vers ses premières élections libres.
- Programmées le 23 octobre, les élections vont permettre de nommer l'Assemblée constituante responsable de la future réforme constitutionnelle (dont dépendra la future élection présidentielle).
Enjeu
- Alors qu'Internet a joué un rôle prépondérant dans la maïeutique de la révolution tunisienne, permettant notamment à la jeunesse de se structurer et de se mobiliser, quel rôle Internet et les réseaux sociaux jouent-ils précisément dans ce scrutin historique?
- La bouffée d'oxygène qu'a représenté le départ de Ben Ali et de facto l'arrêt net du carcan autoritaire a permis de revigorer la scène politique tunisienne.
- Le jeu est aussi ouvert qu'embrouillé. L'échiquier électoral est marqué par une présence exceptionnellement variée de partis et de micro-formations. 109 partis sont en lice, avec un contingent de près de 11 000 candidats répartis en 1522 listes.
- Au final, la victoire des partis tiendra à la conquête de l'électorat par un matraquage et une visibilité forte sur le terrain. Celui qui sera le plus visible et "proche" de son peuple sera d'autant plus crédible à la victoire - d'autant que l'éparpillement des voix promet d'être important.
- L'enjeu pour les élections du 23 octobre, et donc pour la campagne, est moins la crédibilité de l'offre électorale (candidats/partis), que sa visibilité et sa proximité auprès des forces électorales (globalement ou par segment) : impossible de faire campagne pour cette première élection libre sans revendiquer, afficher et mettre en scène un lien direct avec les électeurs.
- Au-delà de l'enjeu de la victoire pour chacun des partis, ce qui se joue aujourd'hui en Tunisie est primordial. C'est un test national pour une nouvelle façon de faire la politique, aux antipodes des années Ben Ali : être proche pour mieux écouter le peuple, et mieux servir ses intérêts.
Stratégie de campagne
- Entamée le 1er octobre, la campagne a vu des milliers de candidats entamer le tour des marchés et des quartiers, avec des séquences et des outils classiques de campagne : visite de marchés, tournée des quartiers, meetings, distribution de tracts.
- La communication online a su s'imposer, à la faveur du rôle prépondérant joué en décembre 2010/janvier 2011, quand ce sont les réseaux sociaux qui ont su faire "bouger les lignes" de la politique tunisienne.
- Les différentes formations ont utilisé Internet pour pallier et répondre à l'impatience grandissante des Tunisiens face à des réformes qui se font attendre.
- Internet est plus qu'un outil ou un simple "terrain" de communication et d'influence. C'est une caution pour la victoire, de caution des idées et donc au final de caution démocratique.
- Les partis l'ont bien compris : il leur était impossible d'ignorer les médias sociaux. L'effervescence du débat sur Internet et l'explosion de l'outil Internet dans les campagnes de chacun des partis est à ce titre significative.
- Les observateurs et les commentateurs tunisiens ont également investi l'espace online pour servir l'internaute-électeur en décryptage et vulgarisation de l'offre et dégager les grandes lignes de ce "capharnaüm électoral". En témoigne la multiplication des blogs et sites d'analyse : http://observatoirepolitiquetunisien.wordpress.com/
- Autre fait nouveau, à l'image de la Tunisie précurseur et pionnière, des débats strictement internet ont été initiés. A 2000 kilomètres plus au nord, même les socialistes français en pleine primaire, n'ont utilisé ces plateformes de débat pour établir une communication directe entre les acteurs de la politique et les électeurs.
- Tunisia-Live.net et Zied Mhirsi (@zizoo) ont lancé une chaîne de débats politiques interactifs sur Youtube. Sous la signature "Posez vos questions, soyez la voix de votre pays", la chaîne revendique d'établir une communication directe entre les acteurs de la scène politique et les citoyens tunisiens. Le débat a lieu sur la chaîne Youtube : il est possible de poser des questions en vidéo ou par écrit à l'invité du jour, ainsi que de voter pour les meilleures questions. Celles-ci seront posées à l'invité politique dans un débat filmé. Plusieurs vidéos de candidats sont déjà disponibles : Riadh Ben Fadl, Mokhtar El-Yahyaoui, Mohammed Jegham, Emna Menif, Abdelfattah Mourou, Moustapha Ben Jaafar...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire